Barcelone 5 juillet 2009

Publié le par El Boby

La folie Jose Tomas nous fera faire plus de trois miles kilomètres en quatre jours. Bruxelles–Barcelone avec un stop à St Gilles. Un week-end épuisant mais riche en moments taurins et humains. C’est au campo en petite Camargue chez Olivier Riboulet que commence notre périple. Nous assistons au sorteo du lot qui sera combattu le lendemain. Sur le tracteur une petite vingtaine de personnes y va de son commentaire. Sous la chaleur les animaux semblent économiser leurs efforts. Loin du « groupe » un taureau attire l’attention le n°8. Il est seul, à l’ombre d’un arbre. Peut-être un signe d’intelligence. La corrida est bien présentée mais de l’avis général, elle sera faible et la mono-pique recommandée.

 

Le séjour va a mas. Samedi, St Gilles organise une becerrada dans le cadre de « Graine de torero ». Nous sommes à la bourre, heureusement la course est retardée d’une heure car le chirurgien l’est plus que nous. C’est toujours agréable de voir les apprentis torero. La course est gratuite et la jeunesse s’approprie les arènes. A l’heure de l’apéro, les agriculteurs locaux offrent une dégustation de fruits (c’est la feria de la pêche et de l’abricot). L’ambiance est bon enfant. La banderole du club taurin de Bruxelles nous fait vite devenir « les belges ». Peu avant la course Midi Libre nous consacre une interview (voir ci-dessous). Nous ne sommes pas les seuls à avoir fait des bornes puisque quelques parisiens de Culturaficion garnissent aussi les gradins. Un écossais débarque en kilt… il nous explique qu’il est le président du club taurin de Glasgow. On lui demande s’ils sont nombreux… il nous répond « Nous sommes deux. Ma mère et moi ! ».

 

Notre surnom est justifié car nous avons emmené la pluie. L’orage et la foudre s’invitent à la corrida. En piste, Marc Serrano donne l’alternative à Camille Juan sous les yeux de Julien Miletto qui fait son retour. Les trois toreros ont besoin de marquer des points. Les taureaux de la Scamandre sont fougueux, la tête haute ils donnent du jeu à la pique. Ils sont braves et nobles. Marc Serrano et Camille Juan coupent chacun une oreille et Julien Miletto une et une. Le n°8 est le meilleur du jour, il se bat, fait tomber la cavalerie, part de loin, fait l’avion. Un régal de toro bravo honoré d’une vuelta a ruedo. Julien Miletto signe les meilleurs moments du jour mais il reste comme ses compagnons de cartel en dessous du bétail. Ce n’est pas pour les critiquer que j’écris ça… on peut juste se réjouir car les taureaux de la Scamandre lidiés par des figuras donneront beaucoup d’émotions… si José Tomas avait touché ce n°8 le lendemain, il serait encore en vie et le triomphe de Tomas total. En attendant, Olivier Riboulet fait la vuelta.

 

Dimanche 13h00 monumental de Barcelona. Ça grouille. Les arènes sont fraîchement taguées en rouge sang avec notamment « assassi muerte a J.Tomas » Tuer le tueur c’est comme « il est interdit d’interdire »... L’après midi est sans surprise : cañas, tapas, playa. Une heure avant la course la plaza est bondée. Quelques antis, et tout l’aficion française et espagnole. Impossible de boire un verre. Le service d’accueil est débordé. Il nous faudra une bonne demi heure de foule et de bousculade pour rejoindre notre place. Mais voilà nous y sommes, enfin.

 

Enorme ovation au paseo. Le public est venu fêter sont idole, symbole politique de la sauvegarde de c(s)es arènes. Il vient gratuitement et pour la première fois de sa carrière,  il affronte seul six taureaux. Juste avant l’entrée du premier, nouvelle ovation, Tomas sort du callejon et salue humblement. J’en ai la larme à l’oeil. Autant le dire tout de suite les taureaux sont faibles surtout les Nuñez del Cuvillo (1 et 6). C’est un comble pour Jose Tomas. Son élevage fétiche le trahit pour son jour de gloire. Le président n’a pas souhaité changer ce premier invalide. Pétard mouillé. Tomas trouve néanmoins quelques gestes de qualité.

 

Le torero est dans un mauvais jour à l’épée et perd bon nombre de trophées notamment au troisième où le rabo lui tendait les bras. Au final, il sort avec 5 oreilles insignifiantes en rapport avec l’émotion procurée. Les 20 000 personnes présentes ont vibrées du second au dernier taureau. Malgré la faiblesse de ses adversaires José Tomas a pesé sur chacun d’eux. Créant des faenas envoûtantes souvent « passe par passe ». Quel autre torero pouvait-il faire autant avec si peu de bétail ? Un jeu varié à la cape. Le tout sur le fils du rasoir. Des mises en suerte magnifiques, baroques. Aux cœur des cornes toute l’après midi… avec un calme impossible. Il a prouvé (faut il encore le faire) qu’il était un torero sans égal. Statuaires. Manoletines. Doblones. Des mains basses a coupé le souffle… toujours templée. Sa muleta est douce, jamais brusque. Il torée en silence seul avec l’animal. Quand le toro dévie sa charge il improvise un autre mouvement sans jamais fuir. Tomas décide où va passer le cornu, ça passe ou ça casse. Quand ça casse comme au troisième ou il reçoit une voltereta. Il se relève, toujours calme et retourne dans le rudeo pour exécuter l’enchaînement prévu. On est déjà vidé à la mi-course.

 

Heureusement, un coq fait son apparition dans le ruedo pendant la vuelta du Torero. Impossible à attraper, c’est l’épisode drôle qui permit à chacun de souffler un peu. On a cru que le cinquième de Victoriano del Rio pouvait être le toro de la journée celui qui aurait permis de faire une faena complète avec des séries enchaînées. Il a de la fougue et met à mal la cavalerie. Il part de loin mais n’enchaîne pas. Dommage. Le triomphe aurait été parfait. Du coup, Tomas retourne aux cornes et se fait à nouveau attraper. Il saigne de l’oreille. Quand il passe devant nous lors de la vuelta, le torero est blanc, un zombie. A son dernier, tout peut arriver on le sent fébrile proche du KO. C’est le moment qu’il choisit de faire une largas à genoux, une passe qu’on ne pensait jamais voir dans son répertoire. Le geste de l’après midi. Peut-être par manque de force, cette passe est d’une lenteur inouïe, templée. Le temps s’arrête. Il avait brindé seulement au public et il profite de son ultime combat pour l’offrir à sa cuadrilla. Preuve une fois de plus de sa générosité. Ovation, frissons et larme à l’œil. Le dernier toro est très faible mais Tomas est jusqu’au boutiste. Il va chercher une nouvelle faena passe par passe. On a peur pour le maestro que beaucoup croient blessé. Un silence s’installe dans l’arène, un silence total magnifique et pesant. Une voix s’élève « Gracias Maestro » et déclanche les applaudissements. Et les larmes reviennent. Le président oublie de lui donner l’oreille. Peu importe, José Tomas sort en triomphe porté par la foule où chacun tente de toucher l'idole. Puis le ruedo devient un lieu public, les spectateurs descendent pour graver ces souvenirs en apportant du sable… jouer au torero, faire une photo. Ils sont nombreux les aficionados qui restent plusieurs minutes dans l’arène incapables de sortir ou de parler… KO debout. . 

Publié dans LES PENSEES D'EL BOBY

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